

La version 2025 du septième album légèrement conceptuel d’Ariana Grande contient six pièces de plus que l’originale, ainsi qu’une relecture marquante. « intro (end of the world) [extended] », la première des nouvelles chansons, débute simplement, comme une reprise de la berceuse existentielle qui ouvrait l’album initial. Mais cette mélancolie bascule soudainement lorsque Grande exprime son désir de « sauter dans ta peau et changer tes yeux » [« jump into your skin and change your eyes »] pour offrir une forme d’empathie survoltée qui met en lumière les zones d’ombre de la relation. Malgré les textures feutrées et l’interprétation déterminée mais douce de Grande sur ce morceau, la phrase frappe fort, surtout juste après la pièce finale de l’album d’origine, « ordinary things », où sa nonna Marjorie lui explique sans détour comment reconnaître les signes qui indiquent qu’une relation est terminée. Sa grand-mère a parlé, Ariana a écouté. Le chapitre est clos. Mais au fond, y avait-il vraiment un chapitre à clore? Pendant un entretien avec Zane Lowe d’Apple Music lors de la sortie initiale d’eternal sunshine en 2024, Grande avait confié : « Trouver un refuge dans eternal sunshine, c’était comme enfiler un joli costume », en soulignant que la « liberté dans l’art » venait des multiples sources possibles d’inspiration – vérités personnelles, films (comme Du soleil plein la tête [Eternal Sunshine of the Spotless Mind], l’histoire d’amour surréaliste qui donne son titre à l’album), concepts abstraits. Avec la sortie de Wicked, son arrivée remarquée au grand écran à la fin de 2024, Grande a atteint de nouveaux sommets de célébrité, et cette notoriété renouvelée a braqué encore plus les projecteurs sur sa vie privée. Sur le reste de brighter days ahead, Grande joue la carte de l’opacité espiègle. Elle évoque le fait de « laisser de la place » [« holding space »] sur la langoureuse « warm », où sa voix se transforme en un nuage néon qui flotte au-dessus de gratte-ciel tapissés de synthés lustrés. Elle affirme aussi : « I’m still the same but only entirely different » [librement : « Je suis toujours la même, mais complètement différente »] sur « Hampstead », une relecture d’un morceau façon piano de fin de soirée. Et ce n’est qu’un des moments où sa voix explore de nouveaux territoires fascinants : « dandelion », déclaration de désir sensuel, s’élève à partir d’une ligne de trompette somnolente, avec des cuivres en boucle et des percussions trap échantillonnées qui intensifient l’atmosphère. « Might fuck around and elevate my expectations » [librement : « Je pourrais aller voir ailleurs et élever mes attentes »], lance Ariana dans le refrain de « past life », une pièce R&B aux synthés feutrés et à l’ambiance tamisée. Comme ses projets précédents, brighter days ahead démontre à quel point son souci du détail et sa volonté d’évoluer ont donné lieu à une œuvre à part entière. Un univers bien à elle, qui joue à brouiller la frontière entre la Grande publique et l’Ari privée.